1
20
1
-
https://petrocoria-num.perigueux.fr/files/original/bb162df2c4c02915489d6ec7993ce239.pdf
11b2f1162b873d58e59fc372cb534afc
PDF Text
Text
BEAUX-ARTS
A PÉRIGUEUX,
Le 14 Mai 1864.
1864
��EXPOSITION
DES
BEAUX-ARTS
A PÉRIGUEUX,
Le 14 Mai 1864.
L’administration municipale de Périgueux a pensé que le
concours régional devait compléter son programme en tendant,
la main à l’industrie et aux beaux-arts du midi de la France.
Elle a fait mieux encore : ayant confiance dans les ressources
du Périgord, elle a voulu que cette province, livrée à ellemême, tentât une exposition des trésors d’art qu’elle con
serve. — Nous devons remercier chaleureusement ceux qui ont
eu cette patriotique initiative, et proclamer déjà qu’ils ont eu
raison d’avoir foi dans une entreprise qui semblait téméraire ;
car de tous côtés on nous offre, on nous promet, on nous signale un nombre considérable d’objets d’un sérieux intérêt.
Les faiseurs de statistiques intellectuelles accorderont-ils enfin
au département de la Dordogne un autre esprit que celui que
fournit la science de bouche? Oui, sans doute, ils reconnaîtront
que notre respect pour les débris de Part, que ce soin du passé
qui s’étend aux hommes et aux choses, en un mot, que cette sol
licitude à s’enquérir de tout ce qui se rattache à notre histoire
locale prend sa source dans un sentiment exquis, dans une apti
tude innée que rien malheureusement n’est venu développer.
�— 2 —
L’éducation artistique a fait complètement défaut à nos popula
tions, et après tant d’orages politiques ou religieux qui ont dé
pouillé châteaux et chaumières, nous serons étonnés, tout au
tant que les étrangers accourus dans notre ville, à l’aspect de
ce qui nous reste.
Périgueux marche à grands pas vers le progrès, et puisqu’il
en est venu à se dire qu’il est temps de se préoccuper d’esthéti
que, de faire naître dans les masses l’amour du beau et du bon,
il a effacé la sombre injure qui lui a été faite. Cette exposition,
demandée à la Dordogne, n’est pas, chacun le comprend, un
appât tendu à la curiosité pour en faire profiter notre com
merce, ni un marché ouvert aux intérêts matériels des artistes
et à la manie des collectionneurs, ni une vaniteuse satisfaction
ménagée aux possesseurs de pareilles richesses; elle a pour but
d’allumer dans nos cœurs, la passion des belles choses et de ren
dre l’art populaire. Devant (je ne dirai pas des chefs-d’œuvre,
car qui peut exhiber des chefs-d'œuvre ?) mais d’excellents ouvra
ges, l'homme se sent pris d’émotion, l’enthousiasme le gagne,
il devient meilleur.
Quelle est la déplorable influence qui a mis obstacle au goût
des arts parmi nous ? Pourquoi ce pays, si largement doté en
célébrités de tous genres, ne peut-il. en se reportant d’un siècle
en arrière, trouver un artiste de quelque mérite ? Ni la piété, ni
les souvenirs de l’histoire, ni la contemplation de la nature
n’ont inspiré nos ancêtres. La peinture, cettepoésie muette, qui
tour-à-tour nous instruit, nous amuse, nous touche; si ma
jestueuse avec l'auteur des cartons d’Hampton Court, si puis
sante dans la chapelle Sixtine. d’une folle gaieté avec Brawer
et Steen, enivrante sous le regard de Mena Lisa, sacrée autre
fois chez les Grecs, divine au xvr siècle avec Rome renais
sante, a hissé à peine des traces de maigres enluminures dans
certaines chapelles du Périgord. et même tout nous porte à les
�attribuer à des artistes étrangers. Il en fut de la peinture comme
de la sculpture ; nous savons que pour élever le tombeau de
saint Front, on eut recours à un moine de la Chaise-Dieu, que
la châsse de l’apôtre du Périgord était en émail de Limoges, et
que ce fut un Angoumoisin qui sculpta sur le tombeau de Jean
d’Asside la charmante archivolte conservée dans l’église de la
Cité. L’ignorance, à l’endroit des arts, est manifeste; or, com
ment aborder sans leçons, sans modèles, des travaux qui sem
blent exiger, pour oser se produire, l’universalité?
Ils n’étaient pas atteints d’épaisseur intellectuelle, ces Périgourdins qui ont fourni à l'Eglise des prélats si illustres, à la
science, à la magistrature, aux lettres, à l’histoire, à l’armée,
à l’Etat tant d’immortels soutiens; ils étaient toujours prêts à
accomplir de grandes actions, avec le cœur, avec l’esprit, avec
le Liras, et, cependant, ils ne s’armèrent jamais de la palette ni
du ciseau. La raison de cette froideur, c’est que personne n’avait
vu et n’avait appris à voir. Les monuments sont les meilleurs des
maîtres, et on en rencontre peu, dans ce pays, qui éveillent
le sentiment du beau et la passion d’imiter. Saint-Front, cette
basilique orientale, surprise à coup sûr de se trouver exposée
à notre ciel pluvieux, n’a rien fait pour les arts. Inachevée,
nue, sans proportions heureuses, sans idéal; avec ses frontons
trapus, ses corniches mesquines, ses coupoles lourdes sur des
piliers massifs; squelette de Ste-Sophie, de Constantinople, ou de
St-Marc, de Venise, elle a imposé son type à tout le diocèse. Cette
grandeur brutale, qui rappelle les thermes et les amphithéâtres
romains, ne se fait pardonner qu’à la condition de peupler son
enceinte de richesses artistiques. Où sont les marbres de revê
tement, les mosaïques brillantes, les peintures à fond d’or, les
émaux, les statues? L’œil étonné se promène dans le vide. C’est
un témoin bien triste de ce génie architectural qui, plus tard,
au xm° et au xiv° siècles, chante la divinité dans des, poèmes de
pierre. Alors, la nef chrétienne, abritant, la religion, commence
�— 4 —
à voguer à travers les âges et à redevenir, comme le temple chez
les païens, le véritable sanctuaire des beaux-arts. Des guirlan
des de statues rampent le long des arceaux des portails; les
galeries, les frises et jusqu’aux piliers des contre-forts en sont
ornés. De pieuses légendes, inscrites en bas-reliefs, anathématisent les vices, louangent les vertus et se rient des désordres
humains, en n’épargnant personne. Des clochers dentelés,
festonnés s’élancent au ciel avec les cantiques. A l’intérieur,
des colonnettes sveltes, groupées en faisceaux, montent vers la
voûte azurée, scintillante d’étoiles. Sur les chapiteaux s’épa
nouit une flore plantureuse; les verrières, où sont peints les
mystérieux symboles et l’histoire biblique, enveloppent les fidè
les de leurs feux diaprés. Dans ces demeures saintes, tout res
pire la beauté, la grâce, l’élégance, tout nous y ravit en éle
vant notre pensée vers Dieu, en offrant à notre admiration les
œuvres merveilleuses de l’homme, reflet de l'intelligence di
vine.
Si les Périgourdins avaient été frappés d’un spectacle aussi
splendide, nul doute que peintres, sculpteurs, architectes ne
se fussent multipliés parmi eux, comme cela est arrivé en bien
des contrées.
A la fin du xvIIIe siècle, né enfant, né à Thiviers, fils du
régisseur du château de Jumillac, aperçut , un jour, je ne sais
quel dessus de porte de Gillot ou de Lancret, qu’un accident
avait déchiré; pour réparer le dommage, il se fit peintre. M.
de Jumillac, ravi de ses dispositions, emmena à Paris le Gorrège en herbe, il le confia à Monsiau; et bientôt, en 1797,
Pierre Bouillon remportait le grand prix de Rome et devenait
le fameux éditeur du Musée des antiques, livre qui, par la pu
reté. le charme du dessin et de la gravure, est un de ceux qui
honorent le plus notre époque. Bouillon fut donc le premier
artiste né en Périgord ; mais ses compatriotes ne réclamèrent
�— 5—
pas ses leçons; ils continuèrent à rester indifférents devant les
plus beaux dessus de portes, les excellents modèles que l’é
cole centrale avait obtenus du gouvernement, et l’habileté de
son professeur, Damante Demartrais. La population était encore
si peu éclairée, il y a vingt-cinq ans à peine, que nous ne pou
vons nous rappeler, sans rougir, les lapidations et les souillu
res qu’eurent à subir, dans les premiers temps de leur érection,
les statues de Montaigne et de Fénelon. On entendit des gens
regretter que tant de bronze n’eût pas été plus utilement em
ployé à faire de gros sous.
Nous devons nous empresser de reconnaître que les temps
sont heureusement changés, ainsi que les esprits; les tendan
ces, les aspirations sont plus dignes, plus élevées : les bons
exemples viendront à point. Une école municipale de dessin a
été réorganisée, elle est fréquentée par les enfants du peuple et
par les ouvriers. Malgré les faibles moyens dont elle dispose,
les vocations s’y révéleront, elle formera des peintres, des
sculpteurs, des architectes. Comment résister à cet élément
d’instruction si séduisant, le dessin ! Avec lui, pour parvenir,
il ne faut pas toujours une science abondante; de fécondes et
riantes campagnes, un beau ciel, des forêts, de l’eau, des pâ
turages couverts de troupeaux, les travaux du cultivateur, suf
fisent à son inspiration. Ces scènes vulgaires, comprises de
tous, pauvres et riches, savants et ignorants, retracées avec
vérité, ennoblissent l’artiste, tout autant que la Mort de César
ou l'Apothéose d’Homère ; elles ont eu pour interprètes Paul
Potter, Hobbema, Albert Cuyp. Le réalisme a une grande
âme, il emprunte l’âme de l’univers.
L’exposition de Périgueux sera probablement privée d’œuvres
capitales ; n’espérons rien de Poussin, rien de Lesueur, rien de
Claude Lorrain; mais, en revanche, que de raretés inconnues,
que d’objets d’un grand prix pour nous, vont se montrer! M. le
�— 6 —
duc de Périgord et M. le comte Max. de Damas ont mis à notre
disposition de véritables galeries; Son Exc. M. Magne veut
bien nous confier un des portraits originaux de Montaigne;
M. d’Abzac de Ladouze, un superbe Van Dyck; Mme de Los
tanges, un délicieux portrait de Mme de Grignan, peint par
P. Mignard, et un François Ier, émail de Léonard Limosin.
M. de Montferrand a consenti à se séparer du magnifique por
trait du ministre Bertin, peint par le Suédois Rosslin. M. de La
mothe, de Sarlat, nous envoie une Vénus de Canova. Nous
devrons à l’obligeance de MM. de Gourgues, Charles Desmou
lins, Perrot, de Sainte-Aulaire, de Saint-Astier, Mazerat, de
Verneilh, du Pavillon, de Barde, du Lau, de Fayolle, de Nexon,
et d’un grand nombre de personnes, dont les noms seront im
primés dans un catalogue, afin d’en perpétuer le souvenir, des
tableaux des maîtres italiens suivants : An. Carrache, Guido
Reni, le Guerchin, Bassan, Guardi, Dolci, Allori, Maratte,
Locatelli, le Guaspre, Matteeis, Rosalba Carriera, Servandoni.
Citons encore, dans les écoles flamande, hollandaise et alle
mande, Paul Bril, David de Heem, J. Fytt, P. de Laer, Breughel de Velours, Karel Dujardin, A. Vanderneer, VanderMeulen, Van Bredael, Ommeganck, Rugendas, Ruthart. L’école
française ancienne rivalisera avec l’école contemporaine ; nous y
retrouverons Le Brun, S. Bourdon, H. Rigaud, Largillière,
les Mignard, les Vanloo, Subleyras, Tocqué, Parrocel, Bou
cher, Baudouin, Latour, Greuze, Loutherbourg, Wicar, Isabey, Swebach, Hue, David, Gérard, Mme Vigée-Lebrun, Mllc
Vallayer, le vicomte de Barde, Monsiau, Bouillon; à côté de
Decamps, L. Coignet, Brune, Bertin, H. Scheffer, A. Hesse,
Vanderburch, Thuillier, Lazerges, et des peintres du midi de
la France, à commencer par Ingres, l’illustre Montalbanais, et
notre Émile Lafon, suivis des élèves dela florissante école de
Lyon, de ceux de Marseille, d’Aix, de Montpellier, de Toulouse,
de Bordeaux, tels que Loubon , Chabal-Dussurgey, St-Jean,
Jacquand, Barry Cabanel, Flandrin, Meissonnier, Bonheur,
�— 7 —
LéoDrouyn, Marionneau, Dauzatz, Diaz, etc. Mais pourquoi
divulguer ces secrets? L’orgueil du succès ne doit pas nous ren
dre prodigues des surprises que les visiteurs sont en droit d’at
tendre.
Hâtons les préparatifs de cette fête; que tout soit prêt, du
14 avril au 1er mai, pour placer nos invités; et que les portes
de ce nouveau musée soient ouvertes le 44 mai. Que la com
mission redouble de zèle, que chacun la seconde. Visitons nos
logis de la cave au grenier; si les vieux flacons prennent le
chemin de l’exposition vinicole, que les tableaux, les dessins
et les gravures des grands maîtres; que les images de nos il
lustres, que les tapisseries d’Aubusson, des Gobelins, de Flan
dre; que les marbres, les bronzes, les bois, les ivoires sculp
tés; les émaux de Limoges, les faïences et les porcelaines re
commandables parleur ornementation, leur forme, leur pro
venance; la vieille orfèvrerie, sacrée et profane ; les bijoux, les
manuscrits à miniatures, les meubles de Boule, les laques de
Chine et de Martin, les bahuts ouvrés soient dirigés sur le Pa
lais des beaux-arts. L’épée du chef de la maison si elle a été
noblement portée, la quenouille de la douairière si elle a fait
respecter le foyer domestique, si elle a servi les malheureux, y
trouveront une place d’honneur. N’oublions pas qu’il s’agit,
dans cette solennité, non-seulement de rehausser l’art, mais
encore de glorifier notre passé; pour la première fois, nous
brûlerons en famille quelques grains de cet encens que consa
crent aux beaux-arts les peuples avancés en civilisation. Appre
nons à nous livrer à l’enchantement que procure un culte qui,
lui aussi, fait croire à une double vie.
E. Galy,
vice-président de la commission des beaux-arts,
Périgueux. — Imprimerie Dupont et Ce. — Ms 64.
�«I1
*
��
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Livres imprimés
Texte imprimé
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
FRB243226101_PZ_720
ark:/30098/26
Type
The nature or genre of the resource
text
texte imprimé
Title
A name given to the resource
Exposition des Beaux-arts à Périgueux. Le 14 mai 1864.
Subject
The topic of the resource
Beaux-arts
Jumilhac le Grand
Périgueux
Description
An account of the resource
Brochure
Spatial Coverage
Spatial characteristics of the resource.
Périgueux
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Galy Edouard
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1864
Temporal Coverage
Temporal characteristics of the resource.
18..
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
21 cm
Language
A language of the resource
fre
Extent
The size or duration of the resource.
7 p.
Medium
The material or physical carrier of the resource.
papier
Rights Holder
A person or organization owning or managing rights over the resource.
Médiathèque Pierre Fanlac.
Source
A related resource from which the described resource is derived
Périgueux, Médiathèque Pierre Fanlac. BPZ-720
License
A legal document giving official permission to do something with the resource.
Licence Ouverte 2.0
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie Dupont et Cie, Périgueux
Beaux-arts
Peinture